Un nouveau Iacovleff

DÉCOUVERTE DU PORTRAIT DU MIR DE HUNZA DESSINÉ PAR IACOVLEFF LE 26 JUILLET 1931 AU FORT DE BALTIT – KARIMABAD – TERRITOIRE DU NORD – PAKISTAN

Il ne fait pas chaud à Paris, le climat et l’envie de reprendre la route me rongent. Mais partir où ?

Après avoir consulté mon tour opérateur, c’est à dire moi-même, celui-ci me recommande de partir en voiture seul, (j’aime ma voiture – je suis sentimental), sur la piste d’une énigme, à la recherche de quelques vestiges. « Bibi la combine », tel est le nom de cette compagnie, me connaît bien, il sait que l’ennui me gagne vite et que le lit suspendu qui fait le pendule et le jus de coco trempé dans du Baccardi me rendent à la longue, teigneux et impatient au point de perdre le contrôle de moi-même et d’agir contre le sens commun. La dernière fois, c’était dans le désert et…

Mais, revenons à nos autochenilles…. Haardt, l’Orient, l’Asie, la soif, la poussière, l’aventure humaine et la mécanique. Vous l’avez deviné, je vais tenter de remonter le passé en revivant la route ouverte par le Groupe Pamir qu’André Citroën avait envoyé il y a 78 ans conquérir l’Himalaya à chenilles et à la sueur du front.

Je croise la Syrie avec enthousiasme, je contourne l’Irak avec regret, je rentre en Iran avec appétit, j’évite l’Afghanistan la mort dans l’âme mais le Pakistan m’ouvre les bras, je le tiens et je ne le lâche pas. C’est aux confins de ses territoires du Nord, au bout de la « Karakoram HighWay » que j’espère retrouver quelque chose. La « chose » est une émotion par l’« objet ». Tout doit se jouer là-bas car je ne pénétrerai pas en Chine, je digère mal la confiture de singe et la brioche aux vers de terre.

30 décembre 2006 : je suis à Guilguit. Haardt et son équipe y font une longue pause, ils abandonnent leurs deux autochenilles, le Sacarabée d’or et le Croissant d’Argent. La progression est trop difficile, ils sont épuisés. A Astor les mécaniciens ont dû démonter entièrement leurs machines pour contourner à pied un précipice les pièces détachées sur le dos. Une fois l’obstacle passé, il a fallu remonter les voitures. J’en ai des frissons bien que l’humanité ait depuis décroché la lune et fait tant d’autre belles choses.

8H00 le jour suivant. La veille je me suis fait un camarade, il s’appelle Rosthan. Comme disaient Montaigne et la Boétie : « Parce que c’était Lui, parce que c’était Moi ». Nous quittons Guilguit pour Karimabad, il s’intéresse à notre histoire car c’est aussi la sienne. Là-bas j’espère retrouver la descendance du Mir du Hunza et enquêter sur le portrait de l’«ancêtre » que Iacovleff, artiste de l’expédition, a dessiné. La diplomatie française voulait que tirer le portrait d’un gouverneur de province valait sauf-conduit pour la traversée du territoire, valeur encore actuelle !

Ce que nous savons :

– Le portrait est apprécié, le gouverneur flatté aide les Français en leur fournissant des chevaux et des hommes pour emmener le convoi plus en avant vers la Chine.

– L’atmosphère de la séance de pause est détendue, c’est ce que nous dit la photo que nous connaissons tous (voir La Croisière Jaune Chroniques 1929 – 1933 Ed ETAI, page 202 d’Eric Deschamps) :

Le Mir sourit, Iaco est inspiré, Haardt et Audouin Dubreuil voient le sauf-conduit s’ébaucher adroitement.

Iacovleff travaille vite, c’est une de ses qualités. Deux portraits au moins sont faits. Un qui reviendra dans les cartons du peintre et sera exposé à Paris et l’autre qui restera le témoignage du passage de La Mission Centre Asie.

A Karimabad nous nous dirigeons vers le Fort de Baltit, demeure du Mir dans les années 30 et site probable de la séance de pause. Plus personne n’y vit, je suis inquiet mais la visite est possible. Soudain, en entrant dans le « salon du soleil », je devine un tableau, je m’approche, je reconnais le visage du Mir du Hunza grâce à la photo citée plus haut. Il y a une signature au bas droit du dessin et … à mon émoi le plus absolu je lis « Iacovleff Baltit 26 juillet 1931 ». J’ai trouvé l’« Objet » après 28 jours de voyages et 15.000 kilomètres.

Voici enfin révélé pour vos yeux et rapporté des profondes vallées de l’Himalaya, par votre humble serviteur, le portrait retrouvé du Mir du Hunza.

Fort de Baltit le 1er janvier 2007,

Bonne année à vous tous.

Grégoire Daure.

La Rochelle le 17 Mai 2008.

Le tableau tel que l’a découvert Grégoire Daure

Portrait actuellement au Fort de Baltit

Portrait ramené par l’expédition

Fort de Baltit

Grégoire Daure devant sa voiture

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